[Demande de dissolution de Nantes Révoltée] La saison – pré-électorale – est propice aux anathèmes et aux coups de menton. Les postures tiennent lieu de réflexion politique. Qui plus est, dans une société où les tensions sont exacerbées par une crise sanitaire qui n’en finit pas doublée d’une inégalité croissante entre ceux qui possèdent – l’argent, le pouvoir, la technologie – et ceux dont on voudrait qu’ils se contentent des miettes. Et, surtout, qu’ils ne se plaignent pas…
Après les violences qui, vendredi 21 janvier, ont marqué – une fois de plus – le centre de Nantes lorsque la manifestation « antifasciste, pour la justice et les libertés » a dégénéré, la droite nantaise (LR et LREM réunis) est montée sur ses grands chevaux en instrumentalisant, dans un premier temps, le simple tweet d’un élu EELV, témoin extérieur à la manifestation. Un tweet qu’il avait rédigé au moment où les manifestants marchaient alors calmement au son d’une batucada (orchestre de percussions brésilien). Sans imaginer que le carnaval allait tourner court. C’est pourtant ce qui est arrivé.
En l’absence de résultat connu d’une enquête de police, on ne sait pas précisément qui est à l’origine de ces violences. Mais, d’où qu’elles viennent, ces violences – qui ne grandissent pas ceux qui l’exercent – doivent être condamnées fermement. EELV Nantes veut exprimer sa solidarité avec les victimes de ces agissements. La violence ne peut tenir lieu de politique dans un État de droit, quelle que soit la révolte.
C’est vrai pour toutes les violences : celle de l’État – directe ou symbolique – qui s’exprime parfois à travers le mépris de nos élites mais aussi dans les charges policières un soir de fête de la musique. Violences encore : dans les manifestations néo-nazies parisiennes, dans les meetings des nouveaux faux-prophètes de la haine et dans les médias qui, au nom du débat démocratique, leur ouvrent – parfois complaisamment – micros et caméras. Sans parler des réseaux « sociaux » qui servent de caisse de résonance aux insultes, aux amalgames et aux raccourcis sans se soucier de la réalité des faits ni des analyses pourtant plus que jamais indispensables.
Mais voilà, certain·e·s ont l’indignation sélective : Christelle Morançais, présidente du Conseil régional – mais aussi porte-parole de Valérie Pécresse, candidate à la présidence de la République – s’est donc fendue d’un courrier au ministre de l’Intérieur pour demander la dissolution de Nantes Révoltée. Et Laurence Garnier, sénatrice LR, comme Valérie Oppelt, députée LREM, future candidate à sa succession législative, sont elles aussi montées au créneau.
Quand on vous disait que les postures tiennent lieu de réflexion politique ! Et que veulent-elles dissoudre ? Un média ? Nantes Révoltée se définit en effet comme un média qui « propose, depuis 2012, une information indépendante, au service des mobilisations en cours. » Mais depuis quand réprime-t-on, dans un État de droit, la liberté d’expression ? Sauf à prouver que le média Nantes Révoltée contrevient à la loi de 1881 (par la diffamation, l’injure, la provocation à la haine raciale, ethnique ou religieuse, l’outrage, la provocation aux crimes et aux délits ou encore l’apologie du terrorisme, etc.)… Un « groupement de fait » dont les « agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens » relèverait de l’article L212-1 du Code de la sécurité intérieure ? Cela reste à prouver… Mais, quoi qu’il en soit, obtenir la dissolution de Nantes Révoltée n’aurait aucun d’effet ! C’est pourtant ce que le ministre de l’Intérieur s’apprête à faire en lançant la procédure de dissolution.
D’ailleurs, depuis 2012, Christelle Morançais et consorts auraient pu se réveiller plus tôt… Mais, voilà, dans cette période de campagne présidentielle (et bientôt, législative), la droite « républicaine » n’hésite plus à faire de la surenchère sur les thèses de l’extrême-droite. Une surenchère qui, le temps d’une polémique, se télé-transporte à Nantes. Pourtant, Valérie Oppelt, Laurence Garnier et Christelle Morançais feraient mieux de se poser la question de ce qui pousse toute une frange de la population – souvent jeune – à rejeter le modèle de société qu’on lui propose jusqu’à la violence et jusqu’à se mettre en danger elle-même. En essayant de trouver une issue, si le dialogue est encore possible, plutôt qu’une dissolution qui ne réglera rien. Mais ça, ça demande du courage politique !